Le goût de la maîtrise
This article is available in English.
🔗Psychologie du goût pour la maîtrise
🔗Introduction
Le goût pour la maîtrise n’est pas qu’une préférence personnelle : c’est une structure psychologique, parfois valorisée comme une force de volonté, parfois perçue comme un mécanisme défensif. Comprendre ce goût pour maîtriser — soi, l’autre, les circonstances — nécessite de plonger dans les dynamiques de contrôle, d’ego, et d’identité.
🔗1. Le besoin de contrôle : entre sécurité et pouvoir
Le goût pour la maîtrise trouve souvent racine dans un besoin de sécurité. Selon la psychologie humaniste, le contrôle est parfois une réponse à l’angoisse face à l’imprévisible[1].
Dans une approche psychanalytique, il peut également traduire une défense contre le chaos interne : maîtriser l’extérieur pour ne pas être submergé par l’intérieur[2].
Mais il peut aussi s’agir d’un rapport au pouvoir. Pour certains individus, maîtriser, c’est exister : avoir prise sur le monde devient une condition d’identité[3].
🔗2. Maîtrise de soi : discipline ou refoulement ?
La maîtrise de soi est une qualité prisée dans les traditions stoïciennes, bouddhistes, ou dans la psychologie cognitive[4]. Elle implique une capacité à différer les gratifications et à réguler ses impulsions[5].
Mais ce goût peut dériver vers un refoulement rigide. Selon Freud, un surmoi trop strict peut transformer la maîtrise en autocensure, voire en névrose[6].
Le goût pour la maîtrise peut donc être libérateur (s’émanciper de ses pulsions) ou enfermant (se couper de sa spontanéité).
🔗3. L’idéal de perfection et le syndrome du contrôle
Souvent, le goût pour la maîtrise se manifeste dans un idéal de perfection. La psychologie du perfectionnisme met en lumière des dynamiques où rien n’est jamais « assez bien »[7].
Le besoin de tout maîtriser devient alors une source de tension constante. Ce « syndrome du contrôle » est lié à l’anxiété, à la peur de l’échec, voire à des troubles obsessionnels[8].
🔗4. Vers une maîtrise souple : de la tension à la fluidité
Certaines approches thérapeutiques (notamment la thérapie d’acceptation et d’engagement — ACT) proposent une forme de maîtrise plus souple : il ne s’agit plus de tout contrôler, mais d’apprendre à composer avec l’incertain[9].
Dans cette perspective, la vraie maîtrise n’est pas domination, mais souveraineté intérieure : savoir répondre plutôt que réagir, rester ancré sans devenir rigide.
🔗Conclusion
Le goût pour la maîtrise révèle un besoin profond de structure, de cohérence, et parfois de pouvoir. Selon sa forme, il peut mener à l’équilibre ou à l’épuisement. L’enjeu psychologique est donc de transformer le contrôle en lucidité, et la volonté de maîtrise en capacité à choisir en conscience.
🔗Notes de bas de page
Maslow, A. H. (1943). A Theory of Human Motivation. Psychological Review. ↩︎
Winnicott, D. W. (1960). Ego distortion in terms of true and false self. In The Maturational Processes and the Facilitating Environment. ↩︎
Fromm, E. (1941). Escape from Freedom. Farrar & Rinehart. ↩︎
Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-being. American Psychologist. ↩︎
Mischel, W., Shoda, Y., & Rodriguez, M. L. (1989). Delay of gratification in children. Science. ↩︎
Freud, S. (1923). The Ego and the Id. SE, 19: 12–66. ↩︎
Frost, R. O., Marten, P., Lahart, C., & Rosenblate, R. (1990). The dimensions of perfectionism. Cognitive Therapy and Research. ↩︎
Salkovskis, P. M. (1985). Obsessional-compulsive problems: A cognitive-behavioural analysis. Behaviour Research and Therapy. ↩︎
Hayes, S. C., Strosahl, K. D., & Wilson, K. G. (1999). Acceptance and Commitment Therapy. Guilford Press. ↩︎